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PROJECTION-DEBAT                                           Mercredi 22 novembre 2017 

« TRAVERSEES D’UNE RIVE A L’AUTRE »

Les intervenants

Franck Giacomini

Educateur Foyer Vallence, animateur (atelier cinéma compagnie un100dit) et réalisateur du film Traversées

Sandrine RICO

psychologue Foyer Calendal et membre de l'Association Massiliazoom

Patrick Maillard

chef de service éducatif Foyer Calendal

Aziz Diallo

Président de Massiliazoom et éducateur au foyer Calendal

et l’aimable et généreuse participation de témoins qui ont évoqué leurs "traversées"

Associations et

établissements présents :

Savoir et Devenir

Destination Familles

Association JBFOUQUE

Hors Pistes

Centre Rochefonds

Service PAJE DIMEF

Service MNA DIME

Foyer Calendal

Centre Fouque

90

90

70

participants dont

jeunes

A l’occasion de cette nouvelle projection-débat, le Daki Ling nous a accueillis autour du film Traversées (2017, 16’) réalisé par les jeunes du Foyer Calendal accompagnés par la compagnie UN100dit.

Au commencement, il y eut l'idée d'un groupe de jeunes de raconter leur traversée, de la mettre en mots et en images au sein de l'atelier cinéma animé par un groupe de professionnels engagés et armés de créativité, d'énergie, sans peur d'accueillir la souffrance pour la transformer en une oeuvre singulière et la partager.

 

L'oeuvre étonnante ainsi créée fut ensuite diffusée dans deux festivals Massiliazoom et Tanjazoom et l'assemblée générale d'une association. Tantôt applaudie, tantôt perçue comme dérangeante, elle ne laissait personne indifférent. L'oeuvre s'imposa progressivement dans l'esprit des professionnels comme l'objet d'une projection-débat qui serait consacrée aux Traversées, aux passages d'une rive à une autre, réelle ou imaginaire.

 

Il y eut ensuite le choix du lieu, l'écrin qui saurait recevoir le film et le public, qui saurait contenir et accueillir les images, l'indicible et parfois l'innommable. Il y eut la rencontre de deux engagements, le Daki ling et Massiliazoom, la rencontre de deux histoires, de 90 histoires, celle du lieu et celle du public. L'accueil fut à la hauteur des convictions partagées, empreint de bienveillance, de compréhension et de générosité, à l'évidence les belles personnes forcent le respect et la reconnaissance.

 

Il y eut le public, plus nombreux qu'inscrit ou annoncé, la salle fut comble et attentive. Le film fut introduit par celui qui l'avait accompagné sur le plan artistique, celui qui avait permis que le récit soit mis en lumière avec son écoute, son verbe, l'ambiance particulière qu'il avait créée pour nous faire vivre une nuit d'une traversée d'où que l'on vienne, où que l'on aille.

 

Transporté, projeté dans cette embarcation de fortune ou plutôt de misère fut le public, revivant pour certains ce qu'ils avaient eux-mêmes enduré parfois des années parfois quelques mois...Le film fut applaudi, salué en quelque sorte bien que sa forme inhabituelle et sombre n'était pas simple à regarder. Les jeunes furent invités à s'exprimer, à réagir.

 

Spontanément, un puis deux jeunes firent le récit de leurs traversées, trouvant le courage par-delà l'émotion d'oser dire les années de route, raconter l'horreur des traumas, les massacres notamment en Lybie, l'esclavage, les gens morts sur la route, la violence subie, les menaces réitérées dans certaines contrées et finalement la volonté, le courage d'aller au terme d'un voyage dont ils n'oublieraient jamais la teneur.

 

Si l'écoute fut particulièrement, respectueuse, parfois l'émotion déborda le public, et certains préférèrent prendre un moment pour évacuer les larmes, la tension, le stress hors de la salle. Puis revinrent...

 

Nous apprîmes que tous les jeunes conviés n'avaient pas pu venir, le sujet était encore trop douloureux pour être évoqué ou approché. Si le débat ne faisait que commencer dans les murs du Daki Ling, nous savions d'ores et déjà qu'il se poursuivrait dans d'autres espaces, d'autres lieux, d'autres murs, ceux des associations, des foyers, des structures qui accueillaient et accompagnaient ces jeunes car les professionnels étaient aussi sensibles qu'eux à ce sujet.

 

Les professionnels eurent beaucoup de mots à déposer pour valoriser l'oeuvre ainsi conçue mais aussi saluer les témoignages du public généreux dans son partage. Ils eurent des questions pour aider ces jeunes, leur construire des passerelles entre l'ailleurs et ici, entre le passé et l'avenir. On se demanda combien de temps durait le voyage et, si finalement, en arrivant à Marseille, la traversée était réellement terminée.

 

Il y avait de nouvelles injonctions, de nouvelles exigences : apprendre le français, s'insérer, obtenir ses papiers, une formation pour éviter un retour à la case départ...Combien de temps s'écoulerait-il avant que le jeune venu de loin se sente un adolescent qui rêve d'avenir et non qui cauchemarde de l'urgence dans laquelle il se trouve alors que les traumas auxquels il a échappé sont tout juste derrière lui?

 

Comment co-construire un projet éducatif avec un sujet entre deux rives ? Comment accueillir, réparer les blessures et le trauma du voyage, de l'arrachement, de l’exil et tendre à l’épanouissement ? Comment faire passerelle entre les verbes survivre et vivre ?

 

Certains jeunes questionnèrent le fait qu'un pays puisse refuser d'accueillir des personnes migrantes.

 

Les professionnels exprimèrent leur désarroi, de la colère, de l'impuissance quant aux possibilités d'aider et accompagner des personnes migrantes adultes ou jeunes livrées à elles-mêmes dans la rue ou regroupées dans l'Eglise du Vieux-Port comme c'était le cas depuis la veille.

 

Le débat s'orienta sur la politique et question fut posée de diffuser à plus grande échelle le court-métrage Traversées pour que les instances et les tutelles prennent conscience du parcours des migrants, qu'enfin un virage soit envisagé pour réhumaniser les réponses au niveau national.

 

Evidemment, l'oeuvre est artistique mais elle est aussi un récit, un message qui se doit de continuer à exister et provoquer du débat dans le respect du droit à l'image notamment du fait qu'elle implique des mineurs.

 

Un témoignage bouscula le public, celui d'un jeune homme dont la traversée avait été longue et semée d'horreurs pendant des années comme beaucoup de jeunes présents. Alors qu'il vivait depuis des années sur le territoire français, nous fûmes collectivement surpris quand il affirma qu'il ne souhaitait pas que d'autres viennent en France, affirmant sans détour son opposition au fait que son frère cadet le rejoigne.

 

Difficile à entendre pour notre public mais cela méritait traduction : le récit du voyage dans ses détails ne lui était pas encore vraiment possible, il ne souhaitait tout simplement pas aux gens qu'il aimait et "même à son pire ennemi" d'endurer ce qu'il avait enduré pour arriver en France...Son témoignage faisait écho à ceux de jeunes récemment arrivés sur le territoire français. Il se demandait comment l'Europe pouvait aider l'Afrique pour éviter que ses habitants ne la fuient.

 

Il fut évoqué les raisons de la migration, économiques mais aussi sécuritaires, les guerres faisant rage dans certaines parties du monde.

 

Le débat glissa quelque peu vers des pistes ou des interrogations nouvelles, des avis opposés se manifestèrent mais dans le respect des uns et des autres.

 

Nous savons d'ores et déjà que ce débat doit se reproduire ou se poursuivre ici et ailleurs, avec le même ou un autre support. Massiliazoom reste à disposition pour échanger sur les possibles interventions dans les structures partenaires.

 

Pour la plupart des jeunes, il n'est tout simplement pas aisé de trouver les mots pour se raconter. Pour cela, Massiliazoom encourage et soutient la mise en place d'ateliers numériques autour du média cinéma entre autre pour les aider à s'exprimer, se dire autrement, pour se libérer et mettre à distance l'insoutenable. L'art a vocation de transformer, sublimer l'insupportable et d’encourager les chemins de la résilience.

 

L’équipe de Massiliazoom remercie l’ensemble des participants, jeunes, professionnels, intervenants, l'équipe du Daki Ling, les intervenants, les professionnels présents aujourd'hui lors de la projection débat sur le thème Traversées: d'une rive à l'autre. Il y a des moments intenses où les mots trouvent enfin des voies, des voix pour s'exprimer et dérouler le fil d'une histoire, raconter l'indicible, l'insupportable devient alors possible. Le cinéma est un média puissamment thérapeutique et contagieux. Ce fut incroyable, un débat riche, puissant, émouvant, vous avez tant de choses à dire et nous avons tant besoin de les entendre. Continuez à vous exprimer avec et par-delà les images !

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